L'interface homme-objet dans la présentification des puissances invisibles
L'anthropologie s'est toujours attachée à débusquer les manipulations humaines à l'origine du pouvoir attribué aux idoles —ce que Bruno Latour a appelé « l'anti-fétichisme déontologique » des sciences humaines. Le pouvoir des objets relevait alors implicitement de l'illusion ou de la tromperie et n'était considéré que comme un moyen de l'action des hommes. Depuis la fin des années 1980 cependant, s'est opéré un recentrement sur les objets, autour desquels plusieurs disciplines, en particulier la sociologie et l'histoire de l'art, ont dialogué avec l'anthropologie. A. Gell (Art and Agency, 1998) accorde aux objets intentionnalité et capacité d'agir, de même que pour B. Latour (« Une sociologie sans objet », 1994), les objets ne sont plus de simples « écrans de projection » de nos croyances ou de notre vie sociale, mais des « actants » au même titre que les humains.
Cet atelier explorera l'interface entre les humains et les objets dans les situations ou les processus de présentification des puissances invisibles, avec une attention particulière, mais non exclusive, aux contextes de possession ou chamaniques. Ces situations ont en effet ceci de particulier que c'est alors l'être humain qui est censé devenir « l'objet » des puissances invisibles. Quelles sont les relations que les officiants —prêtres, chamanes ou possédés— mais aussi les participants entretiennent avec les objets impliqués dans le rite et avec les êtres objectivés ? Comment s'opèrent les différentes chaînes de médiations entre objets et êtres humains ? Instruments de culte, outils de divination, idoles, instruments de musique, costume, masques seront décrits dans la perspective de mettre en valeur la façon dont ils sont « animés ", agissent et produisent des effets dans ces situations rituelles, en termes d'émotion, de guérison, de purification etc.
The human-object interface in the presentification of invisible powers
Anthropology has always been concerned with uncovering human manipulations behind the power attributed to idols —what Bruno Latour calls the "ethical anti-fetishism" of the humanities. From this perspective, the power of objects thus falls implicitly within the domain of illusion and self-deception, and is considered as a form of human action. Since the late 1980s, however, objects have been at the heart of a dialogue between anthropology and sister disciplines, especially sociology and art history. Alfred Gell (Art and Agency, 1998) attributes to objects an intentionality and the ability to act upon reality, while for Bruno Latour ("Une sociologie sans objet? Remarques sur l'interobjectivité", 1994), objects can no longer be seen as mere "projection screens" for our beliefs or our social life; they must be included as agents (actants) in our lives, on a par with humans.
This workshop will explore the interface between humans and objects in situations where invisible powers are made present, with special (but not exclusive) attention to possession and shamanic contexts. These situations and processes of presentification are indeed unique in that they result in human beings becoming the "objects" of invisible powers. What are the relationships that the officiating priests, the shamans or the possessed persons, as well as the participants have with the objects involved in the rite, or with the “objectified” beings? How are the various channels of mediation between objects and human beings created? Instruments of worship, divination tools, idols, musical instruments, costumes and masks will be described with a view to understanding how they are "animated", and how they produce effects in these ritual situations in such arenas as emotion, healing and purification.
- Poster