La « fabrique de la nostalgie », pour paraphraser Douwe Draaisma, semble marcher à toute vitesse dans les productions en BD « d'auteur » du monde chinois. Sean Chuang小莊 signe un roman graphique titré Mes années 80(80年代事件簿/80 niandai shijianbu, 大喇出版社, Taibei, 2013 ; traduction française pour les types de Akata, 2015). La table synoptique qui clôt l'ouvrage dessine en parallèle les évènements marquants de Taïwan et du reste du monde ; Sean Chuang, avec une approche largement autobiographique, évoque la passion pour Bruce Lee (Hong Kong n'est jamais très loin) et les superhéros américains (la culture populaire américaine non plus), les leçons de piano et le break dance, l'engouement collectif pour le baseball et la pression des examens à l'école de cette époque charnière de l'Histoire de Taiwan. Li Kunwu李昆武, avec Une Vie Chinoise (scénario Philippe Otié, KANA, 2009 ; traduit en chinois en 2013 : 从小李到老李 Cong Xiaoli dao Laoli) revient sur sa biographie avec une approche guère différente : les grands personnages sont esquissés, la place est laissée aux souvenirs personnels, à la culturematérielle et populaire. Dans les deux auteurs, mutatis mutandis,l'évocation par le dessin des formes de leur jeunesse (icones, petits objets, star de la chanson et du cinéma etc.) devient levier pour susciter un questionnement sur l'histoire, la mémoire, la négociation d'une identité personnelle et collective. A travers une analyse de l'agencement de paroles et images chez Zhuang et Li on esquissera une réflexion sur la mémoire et l'oubli, la place dela nostalgie dans les mutations socioculturelles du monde contemporain et le relations entre Taiwan et Chine.
The « Nostalgia Factory », to use the definition by Douwe Draaisma, seems particularly efficient in the creation of contemporary sinophone graphic novels. Sean Chuang 小莊 ‘s autobiographical Memories from the 80s (80年代事件簿/80 niandai shijianbu, 大喇出版社, Taibei, 2013) ends with a chronological table where milestone from Taiwanese history are paralleled with global events. Turning to personal and everyday history, Chuang describes his passion for Bruce Lee, for American superheroes, piano lessons and break dance, and he evokes the pressure facing the examines to access university. Li Kunwu 李昆武, with A Chinese Life (written by Philippe Otié, KANA, 2009; translate in Chinese in 2013: 从小李到老李 Cong Xiaoli dao Laoli) chooses a similar approach in describing history via the recollections of personal life and everyday practices. In both authors, mutatis mutandis, reader can find how personal history becomes a privileged tool to analyse, evoke and treasure History and heritage, negotiating personal subjectivity and collective identity. Through an analysis of words and images, montage and discourse we'll develop a reflexion on the place of nostalgia in contemporary sinophone world, and we'll explore contradictions and seductions between Taiwan and Chinese representation of recent past.