Le fleuve Irrawaddy a été considéré comme l'artère principale du territoire du Myanmar pendant des siècles tant par les Birmans et les Kachins que par les chercheurs. Alors que le rôle central du fleuve a décline – mis en évidence par le déplacement de la capitale de Yangon à Nay Pyi Taw dans la vallée du Sittang, l'ouverture de l'autoroute express entre Yangon et Mandalay, ainsi que par le déclin de quelques activités économiques le long des rives du fleuve –, la perception de sa grandeur et de son caractère indispensable n'a jamais été aussi grande. Basé sur la géographie humaine, sur les travaux réalisés sur l' « imaginaire culturel » (Hall, 1997 ; Anderson, 2006) et sur des entretiens réalisés le long du fleuve entre 2009 et 2014, en langue birmane, mon travail compare les géographies réelle et mentale dans les communautés birmanes et kachines. Ma présentation reconsidère l'organisation du territoire national à travers l'analyse du nouveau rôle de l'Irrawaddy en la confrontant à des données démographiques et économiques. Dans le contexte de l'ouverture économique, du processus de démocratisation et le retour de conflits ethniques – dans l'Etat Kachin par exemple – et alors que la géographie du Myanmar évolue au rythme des changements récents que connaît le territoire – méridionalisation des projets d'investissements, les projets transasiatiques « déplaçant » les frontières nationales, une logique de pôles économiques et urbains privilégiée aux dynamiques fluviales –, la perception des différents acteurs ne change pas.
The Irrawaddy River has been considered as the main artery of the Myanmar territory for Centuries by both Burmese and Kachin inhabitants as well as researchers. While the central role played by the River has decreased – evidenced by the capital city moving from Yangon to Nay Pyi Taw in the Sittang River Valley, the opening of the Yangon-Mandalay Express Highway, as well as the disuse of some economic activities along the river banks–, the perception of its greatness and indispensability has never been so strong. Based on human geography, on the research works done about the « cultural imaginary » (Hall, 1997; Anderson, 2006) and on interviews made along the River from 2009 to 2014 in Burmese language, my research compares real geography and mental ones in both Burmese and Kachin communities. My paper aims to reconsider the national territorial organization through the analysis of the new role of the Irrawaddy River and of the perceptions confronted with population data and economic indicators. In the context of the economic openness, the democratization process and the renewal of ethnic conflicts – in Kachin State for example –, while the geography of Myanmar is slowly evolving – Southernization of the investment projects, Transasian projects “displacing” the national boundaries, logic of urban economic hubs more than Valleys dynamics – as the recent changes have impacted the territory, its perception among different stakeholders does not change.