Résumé
Le manhwa coréen s'inscrit dans une histoire de la bande dessinée est-asiatique très fortement influencée par le manga japonais. Cependant depuis les années 1990, le manhwa trouve sa propre voix et se fait ainsi connaître au-delà de ses frontières, plus par l'originalité de ses thèmes que par la spécificité de son univers graphique. En effet, à partir d'une période qui coïncide principalement à l'avènement de la hallyu ou Vague coréenne, contemporaine de la présidence de Kim Dae-jung, de ses politiques en faveur de l'industrie culturelle et de la démocratisation de la société sud-coréenne, le manhwa quitte le seul domaine de la BD pour enfants et adolescents pour offrir des romans graphiques aux thèmes politisés. Alors que le roman contemporain semble se focaliser sur les questions sociétales, et abandonner les grands combats engagés des années 1970-80, que le cinéma est limité dans ses thèmes par les conditions de production et la logique de marché, le manhwa semble récupérer presque à lui seul les grandes questions socio-politiques et historiques. Des romans graphiques qui furent de grands succès de librairie portent dans la sphère publique des débats tabous ou refoulés, comme les massacres de la guerre de Corée (Le Pont de Nogun-ri, Jiseul), les conditions de travail chez Samsung (Le Parfum des hommes), la Corée du Nord (Le Visiteur du Sud), etc. A travers le tableau des grands manhwa des années 1990-2000, nous souhaitons ainsi analyser le rôle croissant de ce médium dans la fabrique identitaire collective, le travail de mémoire, et la contestation.
Abstract
The Korean manhwa is part of a history of East Asian comics heavily influenced by Japanese manga. However, since the early 1990s, the manhwa has found its own voice and is thus known beyond its borders, more by the originality of its themes than by the specificity of its graphic universe. Indeed, from a period which coincides mainly with the advent of the hallyu or Korean Wave, contemporary of Kim Dae-jung's presidency, of its policies in favor of the cultural industry and the democratization of South Korean society, the manhwa abandons the sole domain of comics for children and teenagers to offer adult graphic novels with politicized topics. While the contemporary novel seems to focus on societal matters, and abandon the engaged struggles of the 1970s-80s, while cinema is limited in its themes by its conditions of production and the logic of the market, the manhwa seems to cover almost by itself all the major socio-political and historical issues. Graphic novels which are also best-sellers bring to the public sphere taboo or repressed debates, like the massacres of the Korean war (the Bridge of Nogun-ri, Jiseul), the working conditions at Samsung (The Perfume of Men), North Korea (the Visitor from the South), etc. Through the description of the main manhwa of the years 1990-2000, we would like to analyze the increasing role of this medium in the factory of the collective identity, in the duty to remember, and in social contest at large.