Basée sur trois terrains d'étude depuis 2010 et sur des sources écrites (thob-yig), cette étude se propose de documenter la façon dont la transmission du savoir bouddhiste rNying-ma-pa a évolué dans la « Vallée des nuages » (sPrin yul ljongs) au Spiti (Himachal Pradesh). L'enquête a permis de mettre à jour la manière dont des acteurs religieux ont modifié les structures de la transmission du savoir pour mieux la préserver. Jusqu'à récemment en effet, l'accès au savoir religieux était le privilège des strates sociales (rigs) supérieures: seuls les membres de cinquante familles étaient autorisés à recevoir une formation religieuse, parfois complétée dans le sud du Tibet. De plus, l'aspect secret de la transmission tantrique, les spécificités de la hiérarchie religieuse locale et l'impossibilité de se former au Tibet depuis la fermeture de la frontière en 1959 mettaient en péril la pérennité de la transmission.
Depuis la fin des années 1960, des religieux locaux de deux traditions rNying-ma-pa ont su pallier ces problèmes en réinventant les modes de transmission (modification des lieux de formation à l'étranger, invitation de religieux pour transmettre localement la tradition), et en procédant à une ouverture du savoir religieux aux strates intermédiaires, mais aussi inférieures (rigs-smad).
Based on three periods of fieldwork since 2010 and on written sources (thob-yig), this study seeks to document how the transmission of Buddhist rNying-ma-pa knowledge evolved in “Cloud Valley” (sPrin-yul-ljongs) (Spiti, Himachal Pradesh). The investigation made it possible to bring to light the way in which religious actors have modified the structures of knowledge transmission in order to preserve it. Until recently, access to religious knowledge was the preserve of the higher social strata (rigs): only the members of fifty families were authorized to receive religious training, which was sometimes completed in southern Tibet. Moreover, the secret character of the tantric Buddhist transmission, the specificities of local religious hierarchy and the impossibility of being trained in Tibet after the closure of the border in 1959, endangered the survival of the transmission.
Since the end of the 1960s, local religious actors of the two rNying-ma-pa traditions took steps to overcome these difficulties by reinventing the modes of transmission (modification of the training places in other countries, inviting religious masters in order to ensure a local transmission of the tradition), and by opening access to religious knowledge to the intermediate levels of society, as well as to the lowest social strata (rigs-smad).