La cérémonie d'ouverture des yeux dans l'Himalaya tantrique
Dans ses versions hindoues comme bouddhistes, le rituel tantrique repose en grande partie sur la consécration des icônes à travers lesquelles l'être humain, officiant ou dévot, est supposé s'unir à la divinité. Un rite très répandu lors de cette consécration est celui de l'ouverture des yeux de l'icône qui est alors censée être animée par la divinité. Ce rite a suscité de nombreux développements philosophiques et textuels mais bien peu de descriptions ethnographiques alors qu'il est encore pratiqué aujourd'hui au moins au Népal. Cette contribution, fondée sur des observations personnelles, mettra en regard deux versions de ce rituel provenant de deux contextes différents: la vallée de Katmandou où ce rituel est aux mains des artistes peintres qui en ont la responsabilité et un village peuplé d'une minorité ethnique, les Kham-Magar, où le rituel ne s'opère pas sur une icône mais sur un être humain, le chamane, dont, au terme de sa consécration, les yeux bandés sont « ouverts » par son maître. Cette comparaison entre ces deux supports de présentification des puissances invisibles soulève aussi la question de leurs relations de compétition dans l'univers religieux himalayen.
The ceremony of opening the eyes in the tantric Himalaya
In both its Hindu and Buddhist versions, tantric rituals are largely based on the consecration of icons through which a human being, ritual specialist or devotee, is supposed to unite with the divinity. This procedure often includes a ceremony for opening the eyes of the icon, which is then considered to be animated by the deity. This rite has attracted numerous philosophical and textual developments, but only a few ethnographic descriptions in spite of the fact that it can be observed still nowadays, at least in Nepal. This contribution, based on personal observations, will look at two versions of this ceremony in two different contexts: first, the Kathmandu valley, where this ritual is in the hands of the artist who made the icon; and secondly, a village populated by an ethnic minority, the Kham Magar, where the ritual is not performed on an icon but on a human being, the shaman, whose eyes are "opened" by his master. The comparison between these two media for invisible powers, one human and the other non-human, raises the question of their relations of competition in the making of the invisible powers present in the Himalayan religious world.