Résumé:
De 1962 à 2011, le régime militaire birman a sévèrement contrôlé le tourisme dans le « pays d'or », canalisant les flux de visiteurs vers un éventail très restreint de destinations : Yangon, Mandalay, Bagan et le lac Inlé. La phase de transition politique, engagée en 2011, a permis un essor des flux touristiques, qui sont passés de 200 000 étrangers en 2008 à un million en 2013. Les régions touristiques historiques ont donc accompli en quelques années une transition du tourisme de niche à un tourisme que l'on pourrait qualifier, dans le contexte birman, de masse. En parallèle, de nouvelles destinations touristiques se sont affirmées, comme Ngapali ou Kyaiktyio.
Face à la généralisation, voire la banalisation du tourisme, il est intéressant de constater à quel point la marge, la destination « hors des sentiers battus » est valorisée dans les discours des guides de voyage, des visiteurs et de la filière touristique de manière générale. Ce phénomène, que nous identifierons à l'échelle nationale, se retrouve également à l'échelle locale, dans la région du lac Inlé.
Nous mettrons en effet en évidence l'expansion géographique du tourisme dans la région, ainsi que les discours et les représentations qui sous-tendent cette fuite du centre et des foules. Nous rentrerons dans le détail des profils de visiteurs et de leurs pratiques, afin de mieux comprendre ce tourisme qui se veut une opposition au tourisme de masse, et un retour à des aventures passées volontiers fantasmées.
Enfin, nous analyserons en quoi les populations locales tirent profit de cette recherche de la marge, du « blanc sur la carte », comment ils jouent de leur image de « tribu », de « minorité ethnique », la mettent éventuellement en scène dans un but touristique, mais peuvent également se ré-approprier et reformuler leur identité par le biais du tourisme. Notre propos portera ici principalement sur les populations Intha et Pa-O du lac Inlé.
Summary:
From 1962 to 2011, the military regime in Myanmar severely controlled the tourism in “the Golden Land”, channelizing the visitors' flows to a very narrow span of destinations: Yangon, Mandalay, Bagan and the Inle Lake. The political transition, started in 2011, has allowed the tourism to soar: 200 000 foreigners visited the country in 2008, one million in 2013. The historical touristic highlights have therefore shifted from a niche tourism to a more massive tourism, while new destinations have stood out, such as Ngapali, Hpa-An or Kyaiktyio.
In this context of generalization, or even banalization of tourism, it may be noticed that the margins, the “off-the beaten-tracks” getaways have been valorized in the guidebooks', tourists' and tourism players' rhetoric. This phenomenon, which we will highlight at a national scale, can also be found at a local scale, in the Inle Lake Region.
Indeed, we will shed a light on the geographical expansion of tourism in this territory, as well as the narratives and the representations that underpin this escape from the center and the crowds. We will get deeper into the visitors' profiles and practices, so as to better understand this tourism which claims to be an opposition to the mass tourism, and a return to an oft-fantasized “golden age” of tourism in Myanmar.
Finally, we will analyze to what extent local populations capitalize on this quest for the margin, for the “blank on the map”, how they play on the “tribal” and “ethnic minority” codes, how they sometimes stage it in a touristic perspective, but also re-appropriate and reformulate their identities through tourism.
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