Les écrivains de l'ère Shôwa et l'engagement politique
L'ère Shôwa (1926-1989) a été marquée par de multiples rebondissements politiques, ponctués d'une série de revers : échec du mouvement prolétarien (1932), avènement d'un Japon ultranationaliste et impérialiste (1936-1945), défaite, occupation et marche forcée vers la démocratie (1945-1952), mobilisation infructueuse de la gauche contre les traités de sécurité nippo-américains (1960 et 1970), renouveau conservateur dans un contexte de forte croissance économique (1960-1989). Les intellectuels, de droite comme de gauche (Karatani Kôjin, Hashikawa Bunsô, Suga Hidemi), n'ont pas manqué de souligner l'aspect cyclique de ce demi-siècle, l'après-guerre rejouant, selon une configuration différente, les déboires de la période précédente.
Nous nous proposons d'étudier, dans cet atelier, la place des écrivains japonais dans ces vas-et-viens de l'histoire politique. Quel a été leur rôle dans les mobilisations collectives du Japon de l'ère Shôwa ? Quelle influence les bouleversements idéologiques de la période ont-ils eu sur leur activité littéraire et extralittéraire ? Comment ont-ils choisi de négocier les relations entre leur art et leurs convictions ? Enfin dans quelle mesure leur figure a-t-elle été instrumentalisée ou est-elle devenue le symbole des évolutions en cours ? À travers une approche chronologique qui articulera l'étude des auteurs et des textes aux moments clefs de l'ère Shôwa que nous venons de mentionner, nous offrirons des pistes de réflexions pour répondre à ces questions. Le fil rouge de notre atelier sera notamment celui du lien entre les remous politiques et le statut, réel ou imaginaire, des écrivains dans la société japonaise. On pourra se demander si l'échec réitéré, dans la période Shôwa, des grandes causes collectives ne sanctionne pas celui de « l'écrivain engagé » au Japon ; voué à être, au mieux, un perdant magnifique, au pire, une caricature romantique ou un reflet passif d'une histoire et d'une identité qu'il n'a pas choisis.
Writers from the Shôwa Period and Political Commitment
Within the Shôwa (1926-1989) period, several ideological reversals and setbacks occurred: the failure of the proletarian movement (1932), the advent of an imperialist and ultranationalist Japan (1936-1945), the military defeat followed by American occupation and forced march towards democracy (1945-1952), the unsuccessful mobilization of the left-wing forces against the renewal of the Treaty of Mutual Cooperation and Security (1960 and 1970) and the conservative revival against a background of strong economic growth. Japanese intellectuals, be they leftists or rightists (Karatani Kôjin, Hashikawa Bunsô, Suga Hidemi), have pointed out the cyclicality of this half-century, the postwar period repeating, albeit through different patterns, the setbacks of the previous period.
The purpose of this panel is to study the writers' stances and positions in the context of these back and forth movements of political history. What part did they play in the different collective actions which rocked Japan during the Shôwa period? How far their literary and non-literary activities were influenced by the ideological disruptions of the Shôwa? How did they choose to negotiate the relation between art and politics? And to what extent their image has been manipulated or did it just symbolize contemporary historical developments? Through a chronological approach linking the analysis of the texts and of their authors together with the aforementioned turning points of Shôwa period, we shall explore ways to answer these questions. The main guideline of our panel will be the connection between political turmoil and the writers' real or imaginary status within Japanese society. One may be tempted to ask whether the reiterated failures of collective causes during the Shôwa period do not mark the similar failure of “political writers” in Japan. Committed authors seem to be doomed to be, at best, magnificent losers, and at worst, romantic caricatures or passive reflections of a history and an identity they didn't choose.
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