Aussi douloureuse que soit l'expérience coloniale, elle n'avait pas laissé, au-delà des épisodes guerriers qui ont jalonné le long chemin de la révolte à la liberté, que ruines et larmes. Il reste un legs culturel à mettre au jour, d'entreprendre un état des lieux d'autant plus complexe que bien souvent enfoui, refoulé sous le poids des oublis, des préjugés, et par-dessus tout, des mémoires sélectives. Plus discrets et moins visibles que les événements historiques de grande ampleur (changement de régime, guerres et révolutions), les faits culturels peuvent pourtant exercer un effet plus durable.
Se sont dégagés quatre types de trajectoires de nos passeurs :
Celle des pionniers de l'occidentalisme : en souvenir des Chinois Yan Fu et Wang Tao, Phan Văn Trương, Nguyễn Văn Vĩnh et Tản Đà Nguyễn Khắc Hiếu représentent un éventail assez emblématique du nouveau paysage culturel vietnamien.
Celle des héritiers de la méritocratie républicaine : le médecin Tôn Thất Tùng et l'écrivain Phạm Duy Khiêm et le philosophe Trần Đức Thảo (tous deux normaliens), ainsi que le botaniste Phạm Hoàng Hộ.
Celle des chercheurs en sciences sociales dont l'éminent lexicologue Đào Duy Anh, auteur des Dictionnaires qui ont marqué plusieurs générations d'étudiants, Nguyễn Văn Khoan, un des principaux collaborateurs vietnamiens de l'Ecole française d'Extrême-Orient avant la révolution d'août 1945, ainsi que l'ethnologue Từ Chi et l'écrivain Sơn Nam qui appartiennent plutôt à la génération née entre-deux-guerres mondiales et n'atteignent leur pleine maturité intellectuelle qu'au lendemain de l'indépendance.
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