On peut observer en vietnamien, langue austroasiatique, de nombreuses suites de verbes non reliés entre eux par des connecteurs (prépositions ou postpositions par exemple). Ces séries sont très courantes en Asie du Sud-Est et posent question quant à leur traitement. Deux raisons majeures expliquent leur existence fréquente en vietnamien. Tout d'abord le caractère isolant de cette langue : alors que les langues flexionnelles ont tendance à développer des formes non finies de leurs verbes (dérivés de types infinitifs, gérondifs...) les langues isolantes conservent, pour la plupart, des formes uniques de leurs verbes. La deuxième raison concerne l'emploi important de la parataxe : les locuteurs vietnamiens peuvent en effet se passer de connecteurs lorsque le contexte le permet, notamment quand peu de fonctions sont exprimées. Ces deux caractéristiques participent considérablement à la fréquence élevée des successions de verbes en vietnamien, et dans une partie des langues du Sud-Est asiatique.
Ces suites verbales ne correspondent pas à une structure unique mais, au contraire, présentent des cas bien distincts : composés lexicaux, syntagmes verbe – objet, mais aussi syntagmes paratactiques et constructions verbales en série (CVS). En prenant l'exemple du vietnamien, nous mettrons l'accent sur l'aspect dynamique des deux derniers types de séries dans lesquelles le changement est appréciable, faisant état de l'évolution des différentes structures en synchronie, et des grandes tendances à la lexicalisation et à la grammaticalisation en diachronie.
Abstract:
Vietnamese language (from the Austroasiatic family) shows numerous successions of verbs. In those serializations, the verbs follow one and other without any formal mark of coordination or subordination (such as conjunctions for example). These series are really common in South-East Asia and raise questions about their treatment. Two major reasons can explain their frequency in Vietnamese. First, it can be correlated to its morphology. Vietnamese is an isolating language which does not use any inflections or derivational affixes. While inflexional languages tend to use verbal derivation – converbs like infinitives or gerunds – the verb does not change in most of isolating languages, raising thus the possibilities to have verbal serialization. The second reason concerns the significant use of parataxis: Vietnamese speakers can indeed omit connectors where the context permits it, especially when few functions are expressed. These two features are significantly involved in the high frequency of verbal serialization in Vietnamese - and in other languages of South-East Asia.These series cannot be analysed as a single structure but we can differentiate distinct constructions: lexical compounds, phrases verb – verbal object, but also paratactic phrases and serial verb constructions (SVC). Using Vietnamese examples, we will focus on the dynamic aspect of the last two types of series in which the change is significant, indicating the evolution of the different structures in synchrony, and major tendencies between lexicalization and grammaticalization in a diachronic perspective.