La notion de « démocratie militante » renvoie à la disposition des régimes constitutionnels contemporains à empêcher que leurs droits et institutions soient investis à des fins considérées comme menaçantes pour leur propre existence. L'exemple par excellence est incarné par la République fédérale allemande, dont l'article 21 de la Loi fondamentale confère à la Cour constitutionnelle le pouvoir d'interdire les partis politiques qui « cherchent à subvertir ou à abolir l'ordre fondamental libéral et démocratique (freiheitlich demokratische Grundordnung) ». En Corée du Sud, la Cour constitutionnelle introduite au lendemain de la transition démocratique de 1987 dispose de « pouvoirs militants » similaires, notamment celui de destituer les hauts fonctionnaires et de dissoudre les partis dont les buts ou les activités contrediraient « l'ordre fondamental de la démocratie libérale » (chayuminjujŏk kibonjilsŏ). Non contente d'avoir rendu des décisions hautement controversées en lien avec chacune de ces deux attributions (respectivement en 2004, lorsque les juges constitutionnels ont annulé la procédure de destitution engagée contre le président Roh Moo-hyun, puis en 2014, quand a été prononcée la dissolution du Parti progressiste unifié), la cour a déployé la rhétorique de la démocratie militante dans plusieurs autres affaires. Notre communication se propose d'analyser les conceptions et usages faits de cette notion dans la jurisprudence émise par la Cour constitutionnelle de Corée depuis la fin des années 1980, tout en formulant l'hypothèse que ses décisions révèlent l'ambivalence même du rôle joué par l'institution en tant que gardien de la constitution dans la période post-autoritaire.
The notion of “militant democracy” captures the readiness of contemporary constitutional regimes to prevent their rights and institutions from being enjoyed in ways considered to endanger their very existence. The most notorious example of militant democracy is embodied by the Federal Republic of Germany, whose Basic Law's article 21 empowers the Constitutional Court to ban political parties that “seek to undermine or abolish the free democratic basic order (freiheitlich demokratische Grundordnung).” In South Korea, the Constitutional Court introduced in the wake of the country's 1987 transition to democracy is similarly endowed with “militant powers,” such as impeaching public officials and dissolving political parties whose aims or activities are found to contradict the “basic order of free democracy” (chayuminjujŏk kibonjilsŏ). In addition to having delivered high-profiled and controversial rulings in connection to each of these two attributions (respectively in 2004, when constitutional justices nullified the impeachment procedure against then President Roh Moo-hyun, and in 2014, when they pronounced the disbandment of the Unified Progressive Party), the court has deployed the rhetoric of militant democracy in a variety of other cases. The present paper proposes to analyze the understandings and uses made of this concept in the jurisprudence rendered by the Constitutional Court of Korea since the late 1980s, hypothesizing that its decisions highlight the ambivalent role which the institution has played as guardian of constitution in the post-authoritarian era.
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