L'adaptation du Cid par un grand maître de Kathakali , une approche du discours multiculturel
Notre analyse du processus d'élaboration d'une « tragi comédie kathakalienne » nous permettra de montrer l'importance de l'acte créateur de Sadanam P.V Balakrishnan, travail de réécriture, de métamorphose, de transformation d'un œuvre littéraire (faite de mots), celle de Corneille, à une œuvre artistique (faite de gestes), en l'occurrence Maharathi. Un genre aussi codifié que la tragédie française (par ses modèles et ses règles), s'immerge dans un univers aux classifications tout aussi rigoureuses, le Kathakali. Comment s'articulent ces deux formes théâtrales si différentes ? Pour le Kathakali, la notion de représentation est essentielle, la tragédie privilégie, quant à elle, le mot, la phrase, la langue, le verbe. Quelle portée peut avoir une telle adaptation, quels changements, quels bouleversements sont introduits dans le paysage de ce théâtre traditionnel qu'est le Kathakali ? C'est bien de tradition de théâtre qu'il s'agit ici avec ce que le terme implique de fixité. Déplacer ou enfreindre une seule règle, un seul canon peut apparaître blasphématoire. Tout le génie de l'artiste s'apprécie donc dans ses écarts et ses tentatives « hors règles » qui échappent à l'irréductible modèle. La tragi comédie se situe dans ce même contexte à savoir une forme très réglementée où les auteurs ne cessent de dévier. L'objet de notre communication sera de suivre très précisément l'art de la modulation qui permet, pour reprendre l'expression de Lyne Bansat- Boudon, « la tremblante variation du même ».
English Abstract:
In this paper, I will analyze the process of the elaboration of a “Kathakalian tragicomedy” by which I will demonstrate the importance of the creative act of Sadanam P.V Balakrishnan. This act of creation is accomplished by the rewriting, metamorphosis and transformation of Corneille's literary work (made of words), through which the master turns it into Maharathi, an artistic work made of gestures. By doing so, a literary genre as codified as the French tragedy (in terms of its models and rules) immerses itself into the world of Kathakali, whose classification is as strict as the French tragedy. How can one combine these two theatrical forms so different? For the Kathakali, what is essential is the notion of representation. For the tragedy, however, what are taken into account are the word, the sentence, the language and the verb. Through which operation can such an adaptation be fulfilled? What kind of transformation and impact are brought into the landscape of a traditional theatre as the Kathakali? The question is related to the tradition of theatre, since the term tradition implies something fixed. To move or to break every single rule by any means of attack seems to be blasphemous. The artist's talent is thus appreciated because of his “ruleless” ruptures and attempt which help him to get rid of the irreducible model. The tragicomedy is placed in the same context, that is, a highly regulated form from which the authors continue to deviate. The object of my presentation is to follow closely the art of modulation, which will allow me to show, by Lyne Bansat-Boudon's expression, “the trembling variation of itself”.