De même que la tradition des Biographies des moines éminents qui consigne les vécus et propos des bouddhistes de tous les courants de la Chine impériale, les écrits biographiques propres à l'école du Chan contiennent eux aussi une profusion de récits relevant du phénomène supranormal. En affirmant que le dhyāna représente le principal moyen d'acquérir des pouvoirs extraordinaires, le Chan de la première période est considéré comme intimement lié aux prodiges (shenyi). Plus tard, à partir du VIIIe siècle, plusieurs maîtres importants de la période dite classique ou iconoclaste commencent à réprimer l'extraordinaire en faveur de l'ordinaire. Cependant, malgré ces attaques vigoureuses, sous les Song (960-1279), les moines-thaumaturges et les récits de résonance spirituelle (ganying) persistent dans la littérature du Chan. De fait, comment comprendre ce retour vers l'extraordinaire ? La présente étude propose de se focaliser sur un thème récurrent des biographies bouddhiques – la confrontation entre les moines et les esprits locaux – et d'examiner, à travers une lecture philologique attentive, deux anecdotes d'un ouvrage biographique du Chan des Song véhiculant des attitudes contrastées vis-à-vis du phénomène supranormal. L'objectif de cette enquête est de démontrer la stratégie par laquelle le Chan des Song innove le récit du pouvoir extraordinaire, un upāya classique de la propagation bouddhique.
Similar to the tradition of the Biographies of Eminent Monks which records the lives and the discourses of Buddhists believers from all streams in Imperial China, the biographical writings of the Chan school contain also a significant amount of supernormal phenomena. By claiming that the dhyāna is the main way to acquire extraordinary power, the Early Chan is supposed to be intimately linked to Buddhist “miracles” (shenyi). From the 8th century onwards, several important masters of the iconoclastic Classic Chan begin to reject the extraordinary in favour of the ordinary. However, in spite of these scathing attacks, under the Song (960-1279), thaumaturge-monks and stories about “stimulus and response” (ganying) continued to exist in Chan literature. How then can we understand this return to the extraordinary? This paper suggests focusing on a recurring theme in Buddhist biographies – the confrontation between monks and local spirits – and exploring, through close philological reading, two anecdotes in a Song Chan biographical work which carry contrasting attitudes towards supernormal phenomena. The objective of this study is to demonstrate the innovative strategy whereby Song Chan biographers draw upon the monks' extraordinary power, a classic upāya in Chinese Buddhist propaganda.