9-11 Sep 2015 Paris (France)
Du mariage arrangé au mariage libre? Repenser la construction historique d'un discours sur la formation du couple en Chine / From arranged marriage to love marriage? Reexamining the historical construction of a discourse on mate-search in China
Jean-Baptiste Pettier  1, 2@  
1 : CAM-Asies
INALCO PARIS
2 : University of Cologne  (UoC)  -  Website

La terminologie opposant toutes les formes de mariages dits "arrangés", "forcés", "par enlèvements" ou encore "achetés", associés aux pratiques des sociétés traditionnelles, à des mariages modernes pensés comme « libres », s'est imposée en Europe depuis l'époque des Lumières. Puis plus largement hors d'Europe par la suite, que ce soit via la diffusion de l'analyse marxiste du mariage ou via les discours coloniaux. Cette opposition classique oppose des mariages traditionnels avant tout utilitaires et où les sentiments auraient eu peu de place à de nouvelles formes de mariages dans lesquelles les sentiments intimes personnels seraient la dimension majeure, reléguant au second plan les considérations plus contingentes. Depuis plusieurs décennies, ce vocabulaire a régulièrement conduit la recherche en sciences sociales, des dizaines d'enquêtes ayant cherché à repérer et mesurer statistiquement cette transition moderniste dans de nombreux pays. Le cas est particulièrement observable en Chine, où ce vocabulaire s'est imposé dans les discours littéraires puis politiques dès les années 1920, avant d'intégrer la loi sur le mariage de la République Populaire en 1950, qui imposait officiellement une transition vers le nouveau modèle à toute la nation. Cependant, ce vocabulaire utilisé trop rapidement comme structure d'analyse générale pourrait empêcher l'observation de transformations sociales en réalité peu conformes à ce découpage. C'est ce que je propose ici de penser en réexaminant une série d'enquêtes sociologiques et anthropologiques conduites en Chine depuis les années 1960, et en les mettant en perspective avec les nouvelles pratiques d'intermédiation matrimoniale qui s'y rencontrent aujourd'hui et sur lesquelles j'ai enquêté.

The vocabulary opposing all forms of "arranged", "forced", "by abduction" or "bought" marriages - considered as traditional - to modern ones considered as "free" became dominant in Europe from the Enlightenment period. It was later progressively extended beyond it through Marxists analysis of marriage as well as entangled in colonial discourses. This classic dichotomy contrasts utilitarian traditional marriages where love sentiments are considered as secondary, to new ones where personal intimate feelings would be the dominant motive, and contingent conditions remain secondary. In social sciences research, this vocabulary also imposed its agenda, with dozens of investigations having tried to sort out and evaluate this modernist transition in numerous countries along the last decades. This phenomenon is particularly striking in China, where this vocabulary was adopted by literary and political discourses from the 1920s on, and even became officially endorsed within the PRC law as early as 1950, imposing a transition to the new model for the whole nation. However, the overuse of this vocabulary as a general analytical structure may have contributed to mask social transformations diverging from it. This is the argument I will develop here by reexamining several sociological and anthropological researches carried out in China from 1960 on, and by putting them under the light of new marriage-intermediation practices observable Today and on which I worked.


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