Famille, modernité et individualisme
– Le cas des mères non mariées dans le Japon contemporain –
Qu'est-ce qu'une famille ? C'est une interrogation qui n'a pas de réponse univoque et anhistorique. En effet, la famille telle que nous la connaissons aujourd'hui avec son aspect relationnel est considérée comme la « famille moderne » : à partir de la fin du 19ème siècle, la famille devient moderne en raison de la montée de l'individualisme et du poids croissant de l'affectif dans les relations.
Au Japon également, depuis les années 80, la « famille moderne » intéresse les chercheurs dont certains parlent de la « fin de la famille moderne » (kindaikazoku no shûen). Pourtant, dans l'archipel, l'encadrement de famille par l'État reste fort : le Code civil impose un seul nom patronymique par famille, l'état civil force l'unité de famille basée sur le mariage et le foyer dont la femme ne travaille pas ou peu bénéficie d'un régime de faveur. Contrairement en Occident où le mariage n'est plus la seule entrée officielle de la famille – une des caractéristiques de la « famille moderne 2 » (François de Singly) – l'institution maritale au Japon semble toujours garante de la solidarité familiale, voire de la stabilité sociale. Encore aujourd'hui, la majorité des Japonais s'interdit d'avoir un enfant sans passer par l'étape du mariage. Dans quelle mesure parler d'individualisation dans la famille japonaise ?
Pour tenter d'éclaircir cette question, cette communication s'intéresse aux femmes qui s'engagent dans la maternité sans être mariée dans une société où ce choix est difficilement accepté. En effet, au Japon, le taux de naissance hors mariage reste extrêmement faible, 2,2 % en 2013, alors qu'en France, un enfant sur deux nait de couple non marié aujourd'hui. Cette question de la naissance hors mariage différencie grandement la famille au Japon et la famille en Occident et interroge les relations entre famille, modernité et individualisme.
Family, modernity and individualism
– The case of unmarried mothers in contemporary Japan –
What is a family? It's a question that has no single answer. Indeed, the family as we know today with its relational aspects is considered the “modern family”: since the end of the 19th century, with the rise of individualism and increased emotional weight in family relationships, the concept of “family” has been modernized.
In Japan also, since the 80s, the “modern family” has become a topic of interest for scholars and some of them even talk about the “end of the modern family” (kindaikazoku no shûen). However, in case of Japanese families, supervision by the state remains strong: the civil code imposes one surname per family, the Family Registration Law forces the family to unite based only on marriage. Unlike in Western countries where the marriage is no longer the only official entrance to the family – one of the characteristics of “Modern Family 2” (François de Singly) – marriage in Japan seems to remain the guarantee of family solidarity or even of social stability. For the majority of Japanese, still today, having a family without taking the step of marriage is not acceptable. In this condition, how can we talk about individualization in the Japanese family?
To try to clarify this issue, this study focuses on women who engage in motherhood outside marriage. In fact, in Japan, birth outside marriage is extremely rare, 2.2% of all births in 2013, while in France, more than a half of all births occur to unmarried couples today. Both in Japan and in Western countries, family transformations like the increasing number of divorces, late marriage and celibacy seem similar. Yet, when it comes to the extramarital birth, it appears very differently between them. This issue questions the relations between family, modernity and individualism.