9-11 Sep 2015 Paris (France)
Les « indigènes » et la naissance de l'archéologie au Turkestan russe: le passage d'«invisibles» à «subalternes» / “Natives” and the birth of archeology in Russian Turkestan: transitioning from “invisible” to “subordinate”
Svetlana Gorshenina  1@  
1 : Université de Lausanne, IASA - Fond national suisse de la recherche scientifique  (FNS - Fond national suisse de la recherche scientifique; UNIL - Université de Lausanne; IASA - Institut d'archéologie et des sciences de l'antiquité)  -  Website
Anthropole - CH-1015 Lausanne - Suisse -  Suisse

Évoluant dans une ambiance empreinte de méfiance à l'égard des populations locales et héritée de l'époque précoloniale, les premiers savants, explorateurs et artistes russes ou européens intéressés par l'histoire ancienne de l'Asie centrale n'ont mené aucune étude archéologique sans être épaulés par des « indigènes ». Ces derniers subissent cependant toutes sortes de critiques pour leur « ignorance », leur «absence de goût pour les belles choses», leurs « affabulations » par rapports aux données historiques ou leur « vandalisme » à l'égard des vestiges. Mais ce sont eux aussi qui conduisent les chercheurs modernes vers les sites ou les lieux de mémoires, assument les fouilles, fournissent des trouvailles archéologiques aux collectionneurs et aux organisateurs d'expositions tout en restant généralement anonymes. Avec le temps, la propagation au Turkestan du « goût pour l'Histoire » développe le marché des antiquités, en même temps qu'elle forme des « amateurs » d'archéologie indigènes qui s'alignent sur un système d'appréciation des vestiges forgé en Europe. Ce tournant est doublement intéressant, car il montre d'un côté l'ambiguïté du processus d'incorporation des savoirs locaux dans les connaissances des « colonisateurs » et de l'autre côté il souligne comment des intellectuels locaux se sont appropriés les approches occidentales en matière de patrimonialisation, tout en dénigrant l'attitude de leur propre milieu centrasiatique à l'égard du passé.

The early Russian and European scholars, explorers or artists interested in the ancient history of Central Asia did not trust local population – the attitude inherited from the pre-colonial era. However they could not conduct any archaeological missions without the “natives”, who, nevertheless, were constantly criticized for their “ignorance”, “lack of taste for beautiful things”, “distortion” of historic data or “vandalism” against archaeological remains. But at the same time the “natives” were the ones who led Russian researchers to archaeological sites and places of memory, conducted excavations, provided archaeological finds to collectors and to exhibition curators while remaining generally anonymous. Over time, in Turkestan the diffusion of the “taste for History” generated the antiquities market and at the same time stimulated the emergence of indigenous “amateurs” of archaeology who lined up with an epistemological system developed in Europe. This turning point is deserves special attention because on the one hand it shows the ambiguity of the process of incorporation of local knowledge into the “colonizers'” scholarship and on the other hand it highlights how natives appropriated Western approaches towards the cultural heritage, so sceptical in relation to their own Central Asian historic environment.


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