Résumé
Le cinéma offre un terrain de choix pour l'analyse du discours hétérologique dans une société. En Corée du Sud comme du Nord, l'imaginaire collectif a été défini après 1945 par la situation de guerre froide et de partition. Dans ce contexte fermé, la figure de l'autre n'a pu être pensée que de manière restreinte, la place spectrale et obsédante du voisin et frère ennemi limitant quasiment toute hétérologie à une variation sur la figure de l'alter comme autre de soi. Or la politique du Rayon de soleil (1998-2008), qui ouvre un dialogue entre les deux pays, doublée du phénomène de la Vague coréenne, enregistre un changement radical dans ces représentations en Corée du Sud. Des régimes plus complexes d'altérité se mettent en place dans les films, qui non seulement densifient la figure de l'autre nord-coréen, mais ouvrent une place pour les autres autres : Coréens de la diaspora, Occidentaux, Asiatiques du Sud-Est et migrants, marginaux et exclus font leur entrée dans la culture populaire. Cet article souhaite étudier ces régimes de plus en plus variés d'altérité représentés dans ce cinéma sud-coréen contemporain qui assume sur le mode fictionnel un débat hétérologique encore timidement articulé dans la sphère publique. Afin de saisir les structures en jeu, nous favoriserons un large corpus de films représentant « l'étranger » et « l'autre ».
Abstract
Cinema is an ideal material for the analysis of heterological discourse in society. In South and North Korea, collective imaginary has been defined after 1945 by the Cold War and the division situation. In this closed context, the figure of the Other has only been developed in a restrained manner, the ghost-like and obsessive presence of the neighbor/feuding brother almost limiting heterology to a sole variation on the figure of the alter as the other of the self. But the Sunshine Policy era (1998-2008), which initiated a decade of dialogue between the two countries, accompanied with the Korean Wave phenomenon, also witnessed a tremendous change in these representations in South Korea. Slowly emerged in movies more complex regimes of otherness, which not only enriched the figure of the North Korean other, but also made room for other others to appear: Koreans of the diaspora, Westerners, South-East Asians, migrants and outcasts eventually enter the arena of popular culture. This article wishes to assess these more diversified regimes of otherness as represented in South Korean cinema, which assumes on the fictional level a heterological debate only timidly addressed in the public sphere. In order to locate the different structures at stake, a large corpus of films representing the “foreigner”, the “stranger” and the “other” will be analyzed.