Le préjugé selon lequel le développement d'une véritable citoyenneté sociale ne daterait, au Japon, que de la période de l'après-guerre est lié au constat qu'il fallut attendre 1945 pour qu'une citoyenneté politique solide et durable s'installe dans l'archipel. Pourtant, le régime politique qui caractérise le Japon de la fin du XIXe et du début du XXe siècles, et son statut de late developer, ne peuvent être considérés comme de véritables obstacles au développement de politiques sanitaires et sociales modernes. En effet, l'ouverture de ses frontières en 1854 intégra rapidement le pays aux flux de circulation internationale des savoirs en plein essor à cette époque. Les élites gouvernantes et savantes purent ainsi répondre aux défis de la construction de l'Etat nation et de l'industrialisation en développant une expertise poussée et des politiques de plus en plus ambitieuses reposant sur une approche globale des questions de populations. En effet, l'intégration du Japon au système wesphalien de relations internationales fit de sa population un élément majeur de sa puissance nationale. Ainsi, les nouvelles politiques sanitaires et sociales relevèrent tout à la fois de l'assistance, de l'hygiène, de la nutrition, de la démographie, des migrations et de l'emploi et furent inséparables du processus d'intégration politique et social des populations laborieuses. Elle posèrent non seulement les fondations de l'Etat social du pays mais furent aussi à l'origine de ce qu'on appelle aujourd'hui les relations de travail « à la japonaise ».
The prejudice that the development of a real social citizenship born in Japan only after World War Two is related to the observation that it was not until 1945 that a strong and sustainable political citizenship developed in the archipelago. Yet the political regime that characterizes Japan in the late nineteenth and early twentieth centuries and its status late developer, can not be considered as true obstacles to the development of modern sanitary and social policies. Indeed, the opening of its borders in 1854 quickly integrated the country into an international flows of knowledge, particularly booming at that time. As the result, the governing elites and scholar could meet the nation state building and industrialization challenges by developing extensive expertise and increasingly ambitious policies based on a global approach of population issues. Indeed, the integration of Japan in the Wesphalian international system meant its population became an important element of national power. As the result, new sanitary and social policies touched at the same time assistance, hygiene, nutrition, demographics, migration and employment, and were inseparable from the process of social and political integration of the working class. It not only laid the foundations of the social state of the country but were also at the origin of what is now called « Japanese style » labor relations.
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