Jusqu'à quel point les Etats d'Asie ont-ils reçu le modèle occidental du Droit ? Et jusqu'à quel point ces mêmes Etats ont-ils accepté le modèle occidental du juge? Les deux questions sont liées, car les deux « produits » sont d'importation et dans ces sociétés, c'est le Droit qui crée le juge. Au Japon, le droit de l'Etat, bien qu'aujourd'hui séparé de la religion, doit néanmoins composer avec usages et traditions présentés comme sacrés. Le droit contemporain reste emprunt de spécificités du passé. Sans être identique, un constat similaire prévaut en Chine. Dans bien des domaines, la norme effective n'est pas d'abord juridique. Toutefois, au niveau du commerce notamment, certaines règlementations internationales s'imposent. En Asie la réception du droit occidental est donc restée partielle. Il n'est pas surprenant qu'il en aille de même avec son corollaire : l'office du juge. Lorsque des droits et libertés sont proclamés, leur effectivité s'éloigne d'autant du modèle occidental d'origine que se découvrent en particulier les carences de la sélection des juges. Ainsi, en Thaïlande où la liberté de manifestation, sans cesser d'être proclamée voit son contenu déterminé par une jurisprudence incertaine entre liberté d'expression et maintien de l'ordre public. Figure du droit et figure du juge créent en Asie une insécurité juridique fréquemment dénoncée. Ses remèdes sont rarement recherchés. Une première solution consiste à contourner l'incertitude du droit par le recours à des modes privés de règlements des litiges. En Chine, les impératifs de la croissance économique et des procédures d'investissements y sont tels qu'au delà même du droit de l'Etat ce sont désormais ses cours et tribunaux qui sont écartés au profit de l'arbitrage privé. L'image contemporaine d'un Droit sans l'Etat se double ainsi de son visage libéral, celui d'un Droit sans juge.
To what extend Asian states have received the Western model of law? And to what extent these states have accepted the Western model of the judge? The two issues are linked, because both "products" are imported and, in these societies, the law makes the judge. In Japan, the law of the country, today separated from religion, has nevertheless to deal with values and traditions considered to be sacred. The current legal system is affected by the specificities from the past. A similar but not the same pattern emerges in China. The national standard prevails with no desire to achieve hegemony, as it has to deal with international trade. In Asia, the reception of Western law remained partial. Not surprisingly, this is also the case for its corollary: the judge. Where rights and freedoms are proclaimed, their effectiveness moves further and further away from the Western original model; this is partially the result of deficiencies as regard the selection of judges. For example, in Thailand, freedom of expression is still being proclaimed, but its contents is decided by an uncertain case law, which move from freedom of expression to the need to maintain public order. Frequently condemned, figure of law and figure of the judge in Asia increase the lack of legal certainty. The remedies are rarely sought. One among them is to avoid the uncertainty of the law by using private means of dispute settlements. In China, the pressing needs of economic growth and investment procedures are so important that state's law courts are gradually abandoned, in favor of private arbitration. The contemporary image of a “Law without State” where parties are only bound by their own contracts, is coupled with its liberal face, that of a “Judge without Law”.
- Poster